fanion_bis.gif

  

retour

 

 

L'EREA *c'est quoi, pourquoi, avec qui, comment, combien......

Les réponses sont données au cours des divers interviews réalisés

par Jean-François Michel

       Jean -François Michel, professeur d'économie, a une passion : l'éducation et la pédagogie. Auteur d'un livre intitulé "Les 7 profils d'apprentissage" il a créé il y a quelques années avec des collaborateurs compétents le site internet "apprendreàapprendre" . Une "Newsletter" est adressée deux fois par mois à environ 12.000 lecteurs assidus.

       Lors de la présentation du DVD "TOUTE UNE MONTAGNE "(dont notre Club a été partenaire) le 22 mars 2006 à la Maison de la Montagne à Grenoble nous avons mis en contact J-F Michel avec les différents animateurs de l'EREA. Il s'en est suivi des échanges fructueux qui ont donné naissance à une série d'entretiens.

       Après une présentation générale des EREA vous trouverez ci dessous le premier entretien réalisé avec M. Oddou, Directeur de l'Etablissement de Claix (38) et mis en ligne dans la Newsletter n ° 52- 1ère quinzaine du mois de septembre 2006.

      D'autres entretiens seront publiés dans les prochaines Newsletters de septembre et octobre.

                                                                                                          D.Perelman

*EREA: Etablissement Régional d'Enseignement Adapté

 

 

 

Aide aux jeunes en grande difficulté scolaire, sociale et familiale, ce qui marche : les EREA

Les EREA (Etablissements Régionaux d’Enseignement Adapté) qui scolarisent environ 11.000 élèves. Il y en a près de 82 en France

 

En 2004, sur les 820.774 jeunes appelés présents à la journée JAPD (Journée d'appel de préparation à la défense ) 96.566 ont des difficultés importantes de lecture, soit un taux de 11,8%. Cela donne un meilleur aperçu de la réalité du nombre de jeunes en grande difficulté scolaire. Ces derniers sont souvent issus d’un milieu social et familial très difficile et sont plus habitués à passer leur temps dans la rue qu’à l’école qu’ils détestent de toute façon.
Avec un cursus scolaire désastreux, ballottés de classes en classes ces jeunes, dans le meilleur des cas, intègrent un lycée professionnel pour apprendre un métier pratique menant au CAP. Mais alors comment donner une compétence à des élèves qui savent à peine lire et écrire ? Comment redonner le goût d’apprendre, à des adolescents qui n’aiment pas l’école, qui rejètent bien souvent la discipline et l’autorité avec, à la clef, un comportement souvent violent? Malgré tout le talent des enseignants des lycées professionnels quelle efficacité peut-on attendre de l’intégration de ces jeunes dans le monde professionnel?

Ces questions rappellent irrémédiablement le souvenir d’images des émeutes dans les banlieues en novembre 2005 : des jeunes de 12 à 16 ans affrontant les forces de l’ordre et mettant le feu à des voitures.

;;;;; Les dispositifs existants

N’y a t-il pas des associations, des dispositifs qui permettent à ces jeunes de retourner à l’école (de réapprendre à lire et à écrire) de se remettre sur les rails de l’insertion? N’y a t-il pas par exemple « l’école de la deuxième chance » ? L’armée française, à travers le programme «Défense 2e chance», ne met-elle pas un programme pour donner une qualification ? Oui il est bien vrai que des programmes existent, que des initiatives sont prises. Cependant il y a une particularité qui constitue la base même de la réussite de ces programmes: les jeunes qui les intègrent sont tous volontaires et donc veulent s’en sortir. Autant dire une petite minorité. En effet, difficile d’imaginer une prise de conscience et cette démarche volontaire chez la plupart des jeunes aux comportements difficiles voir violents, exclus du système scolaire ! Là est toute la difficulté. Donc le cœur de problème ne semble pas réglé pour autant.


;;;;; EREA : écoles de la deuxième chance ?

Et Pourtant ! Il existe bien des écoles qui sont faites pour ces adolescents en perditions, qui ont des difficultés scolaires graves. Et en plus c’est efficace! Mieux, ces écoles sont des établissements de l’éducation nationale qui existent depuis longtemps: se sont les EREA (Etablissements Régionaux d’Enseignement Adapté) qui scolarisent environ 11.000 élèves. Il y en a près de 82 en France. La particularité d’un établissement EREA : pouvoir accueillir un jeune (en grande difficulté scolaire, familiale et sociale) dès la 6ème pour l’amener jusqu’au CAP tout en intégrant un internat. L’enseignement est très individualisé avec des enseignants spécialement formés pour ce public de

 

 

jeune (dont certains souffrent de dyslexie, de troubles visuels…). Les éducateurs relais les enseignants et assurent un suivi de chaque adolescent hors de la classe, notamment dans l’internat. L’objectif : leur redonner confiance, rehausser leur estime de soi, et réapprendre des comportements simples (comme ranger ses affaires, faire ses devoirs etc.)

Un dispositif qui marche avec des résultats !

Ce dispositif donne des résultats plus que satisfaisants. Par exemple à l’EREA de l’Isère (dans la commune de Claix) le taux de réussite au CAP des adolescents qui ont intégré l’établissement dès la 6ème est quasiment de 100% !! A l’issu de ce CAP, 100% trouvent un travail et s’insère parfaitement dans la société !

;;;;; Les éléments de cette réussite ?

Quels sont les secrets de cette réussite ? Principalement deux choses : d’abord une entrée tôt dans l’établissement, c’est à dire dès la 6ème . Pourquoi est-ce si important ? Parce que les élèves sont encore à un âge où le changement et l’apprentissage de nouveaux comportements y est plus facile. Ensuite l’internat permet de mettre l’adolescent dans un environnement de bonnes habitudes, de bons comportements (encadré par des éducateurs qui prennent le relais des enseignants). Guère possible pour lui de retourner dans la rue, de déambuler dans un milieu délinquant où les anciens comportements nuisibles referaient vite surface : tous les progrès réalisés en classe, tous les efforts et le travail des enseignants et des éducateurs seraient réduit à néants !

La pédagogie se base aussi sur l’élaboration de projets, qui ont la vertu de mettre en pratique les connaissances et les compétences acquissent, de développer le rapport avec l’autre, de valoriser la personne et d’apprendre le sens de l’effort…
Voir les exemples de projets : « toute une montagne »
« faites des livres »

;;;;; Un dispositif menacé dans son efficacité !

Ce dispositif d’accompagnement d’élèves en grande difficulté scolaire est pourtant menacé dans son efficacité même! Pourquoi ? Car les jeunes qui ont besoin d’intégrer un EREA le font beaucoup trop tardivement, vers la 3ème . Le retard est bien plus difficile à rattraper, que s’ils étaient entrés dès la 6ème Et pour preuve : toujours à l’EREA de l’Isère, le taux de réussite au CAP des élèves, qui ont intégré l’école en 3ème est assez faible de l’ordre de 25% (à comparer au taux de 100% des élèves qui sont à l’EREA depuis la 6ème ). Pourquoi cette orientation tardive ? Parce que le fonctionnement des écoles EREA, leur efficacité, est peu connue des psychologues scolaires, des enseignants et des conseillers d’orientation. Enfin l’EREA ne bénéficie pas, à tort, d’une bonne image.

 

 

INTERVIEW 1   Jean-Pierre ODDOU

 

 

Entretien avec Jean-Pierre ODDOU Directeur de l'EREA Claix

 

Comment fonctionne un établissement EREA? Quelle est le "plus" d'une telle école par rapport aux autres initiatives contre l'échec scolaire?

 

Combien y a-t-il d’établissements EREA en France ?
Il y a presque un établissement par département, soit environ 82 ERA avec la même spécialité.

Quels sont les effectifs moyens ?
Ici dans l’Isère notre établissement peut accueillir 162 élèves. Cette année nous n’avons qu’un effectif de 130 jeunes. Notre équipe se compose de 44 enseignants et de 16 éducateurs.

Comment un élève est-il amené à venir dans un établissement EREA comme le vôtre à Claix ?
On peut dire que les élèves qui viennent chez nous sont des jeunes en décrochage scolaire. Ils ont des difficultés scolaires graves et durables. Par exemple nous accueillons des élèves en fin d’école primaire (CM2). Ils se retrouvent avec des problèmes de lecture et en mathématiques. Ce sont des élèves qui raisonnablement ne peuvent pas suivre une 6ème dans un collège classique. Nous accueillons aussi des élèves que les autres établissements ne veulent pas !! Soyons clair là-dessus.

Est-ce que les jeunes, du moins leur famille, font la démarche eux-mêmes pour venir ici ?
Non. En général se sont les enseignants, et les réseaux d’aide avec l’appui du psychologue scolaire qui orientent l’adolescent dans un EREA. Ensuite, c’est une commission départementale qui prend la décision.

Quelle tranche d’âge d’élèves avez-vous ?
Nous avons des jeunes de 12 à 18 ans. Il y a des classes qui vont de la 6ème à la 3ème . À l’issue de la 3ème l’élève peut aller dans un lycée professionnel (chez nous ou dans un autre établissement) où il préparera un CAP.

A l’issue de la 3ème un élève peut rester chez vous à l’EREA de Claix et préparer un CAP ?
Oui tout à fait, notre établissement prépare 5 types de CAP : menuisier, couvreur, serrurier, les métiers du domaine horticole et paysager.

Comment se fait l’enseignement ?
En fait, on reprend le jeune à son niveau et notre but est de le faire progresser aussi bien dans le domaine du comportement (autonomie, hygiène, gestion de son travail…) que des compétences intellectuelles comme la lecture, les mathématiques…

L’enseignement est assez individualisé ?
Oui, l’enseignement est le plus possible individualisé. On a plus des groupes de niveau que des classes à proprement parler, ce qui permet d’adapter le langage, et d’adapter le programme. On a des élèves qui sont d’horizons, et qui ont des difficultés, très divers : certains souffrent de dyslexie, d’autres de troubles de la personnalité, de troubles psychologiques. Beaucoup ont des problèmes sociaux ! L’objectif est de leur donner une compétence, de rattraper le niveau et d’acquérir une base pour être capable d’aller et de s’adapter dans un lycée professionnel. Ensuite seulement ils pourront envisager une intégration professionnelle.

Qu’elle est, finalement, le « plus » d’un établissement EREA comme le votre à Claix par rapport à un lycée professionnel dans un établissement plus classique ?
Le « plus » d’un établissement de type EREA comme le nôtre dans l’Isère est l’internat. Comme notre enseignement est très individualisé, nous avons aussi plus de moyens financiers que d’autres établissements. Les jeunes sont aussi amenés à apprendre et progresser à travers la réalisation de projets concrets, comme la participation au concours national « Faites des livres », l’atelier poésie qui a abouti à la réalisation d’un ouvrage « Regarde devant toi » , ou encore l’ascension du Mont Aiguille (opération : « Toute une montagne »), avec la réalisation d’un film disponible en DVD. Ces différents projets sont une occasion fabuleuse pour ces adolescents de progresser, aussi bien dans le domaine du comportement qu’au niveau intellectuel.

 

Ces projets sont réalisés avec les propres moyens de l’EREA ?
Au niveau pédagogique oui. Mais au niveau financier nous avons besoin d’aide extérieure. Par exemple pour l’ascension du Mont Aiguille dans le cadre de « Toute une montagne » nous avons fait intervenir des professionnels de la montagne et nous avons dû acheter du matériel. Le coût a été de 12.000 euros, investissement financé par des partenaires comme la région, le département et le Rotary Club.

Pourquoi avoir un internat est-il un avantage ?
L’avantage d’un internat est que l’on peut d’agir sur plusieurs paramètre à la fois : au niveau du comportement et aussi au niveau des compétences. Par exemple la journée les élèves apprennent la lecture avec leurs enseignants. Et bien entendu il y a des devoirs à faire. Les éducateurs qui reprennent le relais après la classe pourront aider les jeunes à faire leurs devoirs le soir, mais aussi apprendre à se concentrer, à avoir un minimum de discipline dans le travail, un minimum de méthode aussi. Donc l’internat permet de faire un suivi de A à Z de l’adolescent, avec un travail d’équipe entre les enseignants et les éducateurs. Bien sûr il ne faut pas non plus que le trouble du jeune soit trop important. Au niveau des CAP nos échecs sont essentiellement des élèves qui n’ont pas été en internat.

La solution de l’internat est-elle choisie par l’élève, la famille?
La plupart du temps par la famille oui ! C’est un soutien pour eux. En internat l’adolescent a la possibilité d’acquérir une personnalité et une indépendance vis-à-vis de la famille, car par moment cette dernière est incapable de l’aider. En internat les jeunes ont moins la tentation de passer leur soirée devant la télé, devant une console de jeux vidéo ou de sortir tard le soir avec des bandes de jeunes qui ne sont pas forcement de bonne fréquentation, et de faire des bêtises.

La réussite est donc possible grâce à l’internat ?
Pas seulement. L’autre avantage est que nous avons des éducateurs spécialisés que n’ont pas les autres lycées. Ils sont tournés essentiellement vers la difficulté scolaire. Ensuite l’autre élément important qui fait la réussite, c’est de prendre les élèves le plus tôt possible, c’est-à-dire qu’ils rentrent chez nous dès la 6ème quand ils ont entre 12 et 13 ans.

Pourquoi est-ce important qu’un adolescent intègre un établissement EREA relativement tôt ?
Parce qu’il est suffisamment jeune pour pouvoir changer et adopter de nouveaux comportements et de nouvelles compétences. Les chances de réussite sont beaucoup plus grandes. Mais il faut que ce soit couplé avec l’internat car l’éducateur a une forte influence sur la personnalité de l’élève.

Est-ce que un établissement EREA comme celui de Claix en Isère, c’est un peu l’école de la deuxième chance ?
Oui, ça s’apparente à l’école de la deuxième chance, c’est ce que nous tendons à faire et c’est sur quoi j’essaie de sensibiliser les gens. Notre difficulté est que l’orientation des adolescents vers l’enseignement adapté à été redistribué dans le département (ici l’Isère). Nous prenons des jeunes à partir du lycée professionnel, donc qui ont entre 16 et 18 ans alors que nous devrions les accueillir en 6ème , niveau où nous connaissons une forte chute des effectifs. Nous sommes donc automatiquement beaucoup moins efficaces. Pour vous donner un exemple, les jeunes qui viennent chez nous en lycée professionnel ont un taux de réussite de 25% au CAP. Pour ceux qui sont venus dès la 6ème et ont choisi l’internat, le taux de réussite est de 100% au CAP avec une bonne intégration professionnelle.

Jean-François Michel : 09-09-2006

 

INTERVIEW 2   Isabelle MASSUCCO

 

Enseigner à des élèves en grave difficulté scolaire et sociale

 

 

 

 

Comment gérer une classe d’élèves en grave difficulté scolaire ? Quelles méthodes pédagogiques et d’apprentissage utiliser ? Isabelle MASSUCCO, enseignante à l’EREA, nous raconte son expérience et nous donne des éléments de réponse.

 

 

 

Vous êtes enseignante, vous avez besoin d’une formation bien spécifique pour diriger une classe dans un établissement EREA ?
Je suis professeur des écoles, ce que l’on appelle plus communément : « instit ». J’ai passé le CAPASH : enseignante spécialisée avec option F, c’est-à-dire pour des jeunes en difficulté. J’enseigne le français, mais aussi d’autres matières comme l’éducation civique, la méthodologie, la géographie et l’histoire.

La gestion de classe ne se fait pas de la même façon que dans un établissement traditionnel, je suppose ?
Effectivement, on différencie énormément. Lorsque l’on intègre les jeunes dans notre établissement en début d’année, on leur fait passer l’évaluation de 6ème nationale. À partir de cette évaluation et en fonction des compétences à acquérir, on met en place 3 groupes de niveau , on parle alors de groupes de besoins. Donc je fais 3 cours différents car j’ai 3 niveaux différents. Et même à l’intérieur d’un même groupe on différencie aussi. Par exemple, entre les dyslexiques et les non-dyslexiques, ou selon le niveau de lecture. Pour donner une idée, dans le groupe 3 sur 8 élèves j’en ai 4 qui sont dyslexiques. Dans le groupe 2 sur 8 élèves je n’en ai que 2 qui sont dyslexiques, et dans le groupe 1 je n’en ai pas. Donc je fais un gros travail de différenciation.

Y a t-il des enfants qui ont de grosses lacunes ?
En groupe 1 ils savent lire, sans pour autant comprendre absolument tout ce qu’ils lisent, Dans le groupe 3, certains ne savent pas lire.

Par quoi commencez-vous ? Sur quels points mettez-vous l’accent ?
Je fais surtout un travail sur la lecture et la production d’écrit. Bien sûr on ne repart pas de zéro car ils ont eu 7 années d’école derrière eux. Donc on repart sur la compréhension de ce que l’on lit et du mécanisme de la lecture. Pour une raison ou pour une autre on a des enfants qui ne veulent plus entendre parler de la lecture et qui ont beaucoup d’angoisse vis-à-vis de l’école. Donc il y a tout un travail à faire sur la réconciliation avec l’apprentissage en général.

Quelle méthode de lecture utilisez-vous ? Globale ou phonétique ?
J’utilise la méthode mixte, c’est à dire à la fois la méthode globale et la méthode phonétique. Mais le problème est que je ne peux pas prendre un manuel de CP pour leur faire apprendre car cela ne les intéresserait pas. Donc je dois fabriquer moi-même tous les supports de cours car on trouve très peu de livres qui nous conviennent. Pour que cela ait du sens pour eux on met en place des projets (exemple : préparer un petit journal télévisé en groupe 2) avec des choses concrètes qui les font renter dans l’apprentissage avec une certaine motivation. Je suis les élèves durant 2 ans, de la 6ème à la 5ème et je me rends compte que tous en fin de 5ème arrivent à lire.

La réalisation de projets, c’est finalement une des bases de votre méthode pédagogique ?
Oui, on part des projets car il leur faut des choses concrètes. J’ai dans la tête que ces jeunes quitteront l’école donc il faut que je sois pratique dans ce que je fais. Autre chose aussi : il faut faire un gros travail sur l’estime de soi, sur la motivation sur ce qui a à acquérir à l’école. Bref, il y a un gros travail sur eux et sur la relation avec les autres. Jusqu’au mois de décembre je travaille surtout là-dessus. Ensuite je travaille sur les compétences. Et là, la classe marche bien.

Ce sont des progrès énormes ! En partant de si bas.
Oui ce sont des progrès énormes par rapport à ce qu’ils font. Mais ils ne pourraient quand même pas intégrer une classe de 5ème ordinaire. En fait les progrès sont énormes par rapport à leur échelle. C’est ça l’intérêt d’ici, c’est que l’on se place à leur échelle et on part à leur échelle de manière presque individuelle. On prend l’élève d’où il est pour l’amener plus loin. Ç’est sûr que se sont des progrès considérables, mais par rapport à ce que ces élèves devraient avoir acquis en milieu ordinaire , ça reste un niveau faible.

Il y a des redoublements ?
C’est rare. Dernièrement on a fait redoubler un élève en fin de 5ème , plus pour des questions de maturité. Il fallait simplement le séparer de son groupe pour qu’il puisse mieux évoluer.

Vous travaillez beaucoup avec les éducateurs quand même ?
Oui, on travaille beaucoup avec les éducateurs qui sont aussi professeurs des écoles et avec qui on fait un travail important au niveau du comportement (faire son cartable, ranger son placard, faire ses devoirs) qui ne peut se faire que grâce à l’internat. D’ailleurs, tous les 6ème et 5ème sont en internat. A partir de la 4ème l’élève peut être aussi demi-pensionnaire. En début d’année je m’appuie beaucoup sur la vie en internat.


Outre la dyslexie pour certains élèves, quels éléments expliquent ces difficultés de lectures à la base ?
Pour eux leur problème est que beaucoup de mots n’évoquent rien, ne déclenchent pas d’image mentale qui pour nous est simple. Pourquoi ? Parce qu’au niveau culturel chez eux c’est très pauvre, ils leur manque beaucoup de références. Ils ne comprennent pas les mots car ils ne les ont quasiment jamais vus ou n’en n’ont jamais entendu parlé. Conclusion : ce qui est logique pour nous ne l’est pas pour eux. Donc il faut qu’on les amène à se construire des références, notamment par l’étude de l’image. Les images peuvent amener à des notions, à des vécus, à établir une référence et à rentrer dans la lecture.

Pouvez-vous donner un exemple?
Dernièrement on a étudié un thème sur des volcans. Certains ne savaient pas que ça existait, un volcan ! Donc quand ils lisent le mot volcan, ils ne savent pas ce que ça veut dire : pas vu d’émission, pas vu d’image. Bref chez certains il n’y a pas de référence en eux de ce que peut être un volcan.

Les références de base qu’on leur donne, ce sont surtout les références dont ils auront besoin quand ils auront un métier comme la prudence, la sécurité, la justice. Pour la justice, pour qu’ils comprennent bien ce que c’est, pour qu’ils aient une référence justement je les ai emmenés au palais de justice pour voir comment cela se passe et fonctionne.

Ces adolescents n’ont pas la notion d’ordre alors ?
Non, chez certains il n’y a pas de limite à la maison, donc ils ne comprennent pas ce que c’est une punition car ils n’ont pas de référence. Ils n’ont pas vraiment de règles à la maison. Donc ils ne connaissent pas de limite, pas d’interdit.
L’intérêt de l’EREA, c’est qu’il y a 6 adultes pour 25 élèves et cela sur les 2 années de 6ème - 5ème . Au mois de septembre les nouveaux jeunes, quand ils rentrent chez nous, sont incapables de rester sur une chaise plus de 10 minutes. Donc, à la fin de l’année il faut arriver à ce qu’ils soient capables de rester sur leur chaise au moins une heure, le temps du cours. C’est important car s’ils peuvent rester assis en classe, ils seront alors capables d’écouter.

Newsletter n ° 54- 1ère quinzaine du mois d' octobre 2006

INTERVIEW 3    Anne-Laure HERITIER-BLANC

Quel est votre parcours ?

J’ai été dans de nombreux établissements, dont beaucoup étaient des ZEP. Mais j’ai eu l’occasion de travailler dans des lycées plus conventionnels.

Vous avez pris part aux projets des adolescents à l’EREA de l’Isère. Quel est votre rôle ? Êtes-vous enseignante ?

Je ne donne pas de cours à proprement parler. Je suis une personne ressource. Le but est de mettre en relation les différents protagonistes, qui s’inscrivent dans un projet pédagogique, à dimension culturelle, artistique...

Mon travail consiste aussi à apprendre aux élèves à rechercher l’information, à se documenter, à faire des recherches sur le net. Je n’ai pas de classe à moi.. J’ai des tâches bien réelles à effectuer : acheter les livres, faire la saisie des ouvrages, les équiper, initier les élèves à la recherche documentaire. L’autre versant de mon métier à l’EREA a été de participer au projet qui rentrait dans le cadre d’un concours : « Faites des livres ». Tout l’aspect réalisation plastique du livre, je l’ai mené avec les élèves et en partenariat avec les enseignants

Qu’est-ce que le projet « Faites des livres » ?

Le CNDP a organisé au niveau national un concours qui s’adresse aux collèges et aux lycées professionnels. Le but est de réaliser un livre et de marier le côté plastique et l’écriture. Donc les élèves de 6ème ont fait un livre autour des expressions françaises : « Arrête ton char, Tony ! ». Ce livre est unique puisqu’il en existe un seul exemplaire qui a remporté le 2ème prix, sur 50 établissements. Les élèves ont été très fiers de participer à ce projet mais aussi de remporter le 2ème prix. Nous avons tous travaillé d’arrache pied de janvier à mars .

Dans les projets que vous réalisez avec les élèves, c’est un apprentissage individualisé ?

Oui, nous pouvons parler de travail individualisé. Nous travaillons par groupes de niveau. Pour en revenir au projet « Faites des livres », nous avons travaillé en groupes selon les capacités de chacun. Par exemple nous avions un élève qui savait très bien dessiner. Donc nous lui avons confié une tâche bien particulière, celle de faire les illustrations. Un autre avait beaucoup d’idées, notamment sur la façon de mettre en images certaines expressions (par exemple : un vent à décorner les bœufs !) et donc il a plus collaboré à la conception de l’histoire du livre. Ce livre a été réalisé en collaboration étroite avec les enseignants. En ce qui me concerne, j’ai coordonné le projet et finalisé l’aspect plastique.

Comment s’articulent les cours et les projets ? Comment cela est-il organisé ?

Quand il y a des projets qui méritent beaucoup d’attention, nous calons tout sur lui. Nous nous arrangeons toujours pour ne travailler que là-dessus. Nous avons la chance d’avoir une grande souplesse d’aménagement des horaires. Ce qui nous permet de pouvoir travailler de cette façon. Par conséquent, un projet n’est pas quelque chose qui vient en plus des cours, mais qui s’intègre aux cours.

Quelle est la méthode pédagogique ? Comment s’organise un cours de français par exemple ?

Tout d’abord il n’y a pas une méthode pédagogique, mais plusieurs. En ce qui me concerne, je ne fais pas de « cours » avec eux mais une initiation au CDI. En revanche, ce que je peux dire est que si on leur faisait un cours de français, de façon traditionnelle, cela ne marcherait pas. Car les élèves décrocheraient à un moment ou un à autre. Il faut sans cesse les accrocher, car ce sont des élèves qui ne peuvent faire des efforts de concentration prolongés. Donc dans un premier temps on leur apprend l’endurance et l’exigence intellectuelle pour, plus tard, être plus réceptifs et suivre des cours plus « normaux » de français.

Si je reprends l’exemple du français, on y rentre par des biais différents : ça peut être par le biais d’une histoire, par des ateliers d’écriture que j’ai mis en place (mais que je n’anime pas car les élèves sont trop habitués à moi). Bref, on adapte énormément, on s’adapte aussi. Le but est de partir de peu, voire de pas grand chose, et de les amener à un petit peu, puis à un moyen peu, et si possible à un beaucoup.

Comment avez-vous fait, pendant les projets comme « faites des livres » ou le recueil de nouvelles « Devant toi » pour exploiter les points forts des élèves et passer ensuite à des choses qu’ils savent moins bien faire ?

Cela passe par l’exigence, cela ne se fait pas fait dans la facilité. Bien sûr ils ont rouspété !!, Car c’était parfois long. Ils ne sont pas capables de fournir un effort sur la durée, là est la difficulté. L’apprentissage se fait par là : être capable de produire un effort sur une durée déterminée et parfois longue. Ça marche, mais il faut de la discipline, et de la fermeté et parfois cela nécessite, de notre part, de se mettre en colère en leur expliquant bien sûr pourquoi. On les accompagne dans leur difficulté  et chaque élève progresse à son niveau : certains font des petits progrès, d’autres en font de grands et il arrive que certains stagnent.


Ce n’est pas toujours facile de gérer ces diversités ?

Oui effectivement. Si on travaille beaucoup dans la pédagogie de l’effort, on travaille aussi dans la pédagogie du réconfort : l’essentiel est de leur donner confiance, et aussi de les rassurer devant leurs erreurs, leurs difficultés. L’objectif est de leur « enlever » la croyance qu’ils ont , à savoir d’être « nuls », de les valoriser au maximum en leur donnant une meilleure d’image d‘eux. On n’a pas idée des difficultés personnelles que ces adolescents peuvent avoir.

Quelles sont les conditions de réussite de ce travail que vous accomplissez?

D’abord, ce travail ne peut aboutir que dans une équipe (entre enseignants et éducateurs). Ensuite ce travail doit se faire dans une petite structure, avec peu d’élèves, car c’est un accompagnement de tous les instants notamment à l’internat, où les éducateurs poursuivent les mêmes objectifs que les enseignants. Et cela marche.

L’autre facteur de réussite est de prendre des jeunes en difficulté suffisamment tôt, à un âge où il est possible d’agir sur leur personnalité, où ils peuvent plus facilement changer leur comportement et s’adapter à un certain nombre d’exigences. Donc le mieux est de prendre en main les jeunes dès la 6ème.

vendredi 9 juin 2006

Interview non publiée à ce jour dans la "Newsletter" .

INTERVIEW 4

Pourquoi le Rotary Club Grenoble Drac-Romanche est partenaire de l'EREA?

Mise en ligne prévue en janvier 2007