Le parc international de la paix Waterton-Glacier, Waterton-Glacier International Peace Park,
Rotary Club de Cardston, UNESCO, World Heritage Site
retour "petits clubs grandes causes"
Association Française
d'Etudes Canadiennes
Carte
des sites du patrimoine mondial
Mr. Stéphane HERITIER (Prag géographie, université de Chambéry) nous a aimablement autorisé avec l'aval de la Revue ETUDES CANADIENNES CANADIAN STUDIES 2004 N° 57 à numériser et mettre en ligne l'article ci dessous.
"ln the name of God, we will not take up arms against each other. We will work for peace; main tain liberty; strike for freedom and demand equal opportunity for all mankind May the long-existing peace between our two nations stimulate other people to follow this example. " "We thank Thee, God,,3 Le 22 juillet 1951, la cérémonie de clôture de la commémoration du 20. anniversaire de la création des Parcs de la Paix (Peace Parks) s'achevait par cette prière. Le principe qui régit ces parcs est simple - en apparence : il consiste à réunir des espaces (deux parcs nationaux dans le cas présent relevant de deux Etats afin de coordonner les actions de protection, de gestion ou de mise en valeur de l'espace.
Figure 1 Localisation du Parc International de la Paix Waterton-Glacier
Premier
d'entre tous, le Waterton-Glacier
International Peace Park (figure 1) est né en 1932 de la réunion
du parc national des Lacs Waterton
(Alberta, Canada) et du Glacier
National Park (Montana, Etats-Unis) et engage un mouvement original
qui tente de promouvoir la paix entre
les peuples. Plus intéressant encore, ce Parc International
de la Paix est né
de l'initiative de sections régionales d'une « organisation
non gouvernementale» prestigieuse:
le Rotary Club International. Au moment où les effets de
la crise économique née du « Jeudi Noir»
à Wall Street sont encore
significatives, à une période où les conséquences
du premier conflit mondial laissent entrevoir, aux plus visionnaires,
les menaces d'une nouvelle conflagration
internationale, l'initiative rotarienne permet de consolider les
liens entre les deux nations alliées. Le Parc International de la Paix prend en quelque sorte la forme d'un modèle offert au monde. Cette initiative originale permet au géographe de s'interroger sur les effets spatiaux de la constitution du Parc International de la Paix. Quelles furent les implications spatiales? Cette création a-t-elle permis de rapprocher les modes de gestion de l'espace dans les aires protégées? Est-elle à l'origine d'un mode de gestion unique? A-t-elle contribué à renforcer la valeur intrinsèque des lieux ?
Les initiatives nationales de protection de la nature, de part et d'autre de la frontière, au cœur d'un écosystème montagnard aujourd'hui connu sous le nom de Crown of the Continent, ont servi de base géographique à la constitution d'un Parc International de la Paix. Les initiatives associatives ont contribué à matérialiser les relations amicales entre deux Etats qui tentent de présenter un symbole et un message universel. Les conditions de gestion et les enjeux territoriaux conservent toutefois leur prééminence et semblent constituer un frein à la cohérence de l'action engagée. LE PARC INTERNATIONAL DE LA PAIX WATERTONGLACIER OU L'INITIATIVE CREATRICE
Après la création du Yellowstone National Park (1872); les gouvernements américains et canadiens créèrent de nombreux parcs nationaux, notamment dans les Rocheuses. Au contact de l'ouest des Prairies, faiblement peuplées, elles constituaient un espace privilégié pour la création d'espaces protégés. Aujourd'hui, la coopération internationale est à l'honneur, mais il est utile de rappeler que la réunion d'aires protégées en Parcs de la Paix est à porter au crédit des Etats-Unis et du Canada, comme à celui d'une organisation non gouvernementale célèbre: le Rotary Club. Des volontés de coopérations internationales en manière de gestion de l'environnement A l'échelle internationale, les aires protégées situées de part et d'autre d'une frontière séparant deux Etats se sont développées au cours du XXè siècle pour atteindre un effectif de 138 unités en 2002. Dans un
article publié dans la revue Parks, Zbicz & Green (1997) estiment qu'il existe
dans le monde 136 groupes d'aires protégées (dont
72 formés par des parcs nationaux) rassemblant 406 unités
situées dans 98 pays. A cette date, les parcs internationaux
étaient répartis de manière très inégale
entre l'Amérique du Nord (6 %), l'Amérique Centrale
et du Sud (18 %), l'Asie (19 %), l'Afrique (24 %) et l'Europe (33
%) (Zbicz & Green, 1997 ; Timothy D., "Tourism and International
Parks", in Butler & Boyd, 2002). Parfois désignés
sous le terme de Peace Park - Parc de la Paix - ils jouent souvent
un rôle non négligeable dans la mise en place de politiques
de coopération en matière de protection de l'environnement
(Zbicz & Green, 1997 ; Hamilton, 2001). Quelle est l'origine de cette volonté de coopération entre Etats? Dans bien des cas, les parcs transfrontaliers sont utilisés comme des outils destinés à réduire les tensions entre deux pays. Aujourd'hui alliés, réunis par des intérêts communs, les relations entre les Etats-Unis et le Canada sont amicales. Par le passé, des tensions et parfois des conflits armés émaillèrent les relations entre le Canada et les Etats-Unis: la guerre anglo-américaine de 1812 aboutit à la fixation de la limite internationale entre les deux territoires (au 49c parallèle) ; un quart de siècle plus tard, les revendications à propos de l'Oregon aboutissaient à la partition de ce territoire en 1846 (de part et d'autre du 49c parallèle). La réussite militaire américaine (dans les années 1840 contre le Mexique) puis la victoire du Nord à l'issue de la guerre de Sécession (18611865) amena certains politiciens' à envisager une action militaire contre l'Amérique du Nord Britannique (Cardin & Couture, 1997). La Confédération Canadienne fut créée dans ce climat tendu et, pendant ses premières années d'existence, les élites politiques conservèrent une certaine méfiance à l'égard des velléités expansionnistes exprimées de manière récurrente par le voisin américain pendant tout le XIXe siècle. Dans cette perspective, nous saisissons l'importance décisive de ce Parc International de la Paix, établi au moment où les relations enfin pacifiées entre les deux Etats - également alliés pendant la Première Guerre Mondiale autorisèrent un rapprochement qui prit une valeur de symbole. La réunion de parcs
nationaux distincts A l' échelle nord américaine, la figure 2 montre que la frontière entre les Etats-Unis et le Canada est l'occasion de l'implantation de neuf lieux destinés à affirmer l'entente entre les deux nations. L'actuel parc international de la Paix est constitué de deux unités distinctes: Le Parc National des Lacs Waterton est l'un des trente-neuf parcs nationaux du Canada. Situé à la frontière des provinces canadiennes de l'Alberta et de la Colombie Britannique (figure 2), le parc est établi au nord de la frontière américano-canadienne (49C parallèle), au sud de la ligne de chemin de fer du Pacifique Canadien. Le 30 mai 1895 est reconnu comme date de création du Parc. A cette date, le gouvernement du Canada crée une réserve forestière de 54 miles carrés autour des Lacs Waterton, une série de trois lacs successifs résultant du surcreusement par les puissants glaciers des Rocheuses dont le retrait date d'environ 10 à 12 000 ans (patrimoine Canadien, 1997). Après de multiples évolutions (Héritier, 2002), le parc atteint ses limites actuelles en 1955. Sa limite Sud s'appuyant sur la frontière entre les Etats-Unis et le Canada, il jouxte le second parc; Le Glacier National Park est créé
en 1910 par le Congrès
des Etats-Unis en partie sous l'impulsion de la compagnie de chemin
de fer Great Northern. Cette compagnie
exerça une influence majeure dans la création et l'aménagement
du parc (Sellars, 1997), finançant la construction d'hôtels
de luxe destinés à la clientèle aisée
venue des villes de l'Est. Cette compagnie installe de nombreux
hôtels dans le parc, notamment près des lacs: le Glacier Park Hotel ou le Lake
MacDonald Hotel (photo 1) en constitue une belle illustration.
Toutefois, la compagnie ne se contente pas des établissements
installés aux Etats-Unis. Comprenant l'intérêt
touristique et financier des parcs nationaux situés de part
et d'autre de la frontière, elle décide de faire construire
l'hôtel Prince
of Wales (photo 2) dans le parc National des Lacs Waterton (1926-1927).
Dès 1927, la compagnie intègre ce dernier dans les
affiches promotionnelles destinées aux visiteurs (Runte,
1994 ; Wyckqff &Dilsaver,
1997). Figure 2 Coopération transfrontarlière et parcs internationaux Photo 1 Lake MacDonald Lodge, Glacier National Park, Montana (cliché S. Héritier 2002) Photo 2 Hotel Prince of Wales (cliché S. Héritier 2002) Aujourd'hui, l'espace préservé dans le cadre du Parc de la Paix couvre un superficie de 4450 km2 aux limites entre les Prairies et les montagnes Rocheuses, qui constituent la majeure partie de l'espace concerné. Très tôt et en raison des intérêts économiques des compagnies ferroviaires, les destinées des deux parcs ont été étroitement liées. Ces relations furent concrétisées par la réunion de ces deux aires protégées sous l'impulsion des membres régionaux de l'une des plus puissantes organisations non gouvernementales du moment, le Rotary Club. Le rôle décisif du Rotary Le Rotary est une organisation internationale réunissant des responsables dans le monde des affaires et dans le monde professionnel. Leurs idéaux sont les suivants: engagement en faveur d'actions humanitaires, soutien aux valeurs éthiques, aide et soutien aux initiatives en faveur de l'entente et de la paix dans le monde. Dans certains cas, le Rotary agit comme une force de proposition auprès des autorités, afin de faire avancer des projets qui correspondent à son éthique et à ses missions, telles que la création de lieux permettant de formaliser l'amitié et la paix entre les peuples. Avant
la création du Parc International de la Paix (1932), le Rotary avait encouragé des initiatives
destinées à formaliser les bonnes relations entre
les deux nations4 :
tout d'abord, une Peace Gate
-
aujourd'hui Peace Arch(figure
2) fut inaugurée en 1922 à la frontière américano-canadienne
entre la Colombie-Britannique et l'Etat de Washington; ensuite,
le pont permettant de traverser la rivière Niagara à
Buffalo (Etat de New York) fut baptisé International Peace Bridges5. Le 4 juillet 1931, cent membres du Rotary se réunirent à 1 'hôtel Prince of Wales (photo 2). Composé pour moitié par les membres canadiens (district 5360 - d'Alberta, Ouest Saskatchewan et Colombie Britannique Nord) et par les membres américains (district 5390 - Montana, Etats-Unis), ils adoptèrent l'idée de création d'un International Peace Park réunissant le parcs des lacs Waterton et le Glacier National Park.
From a purely commercial standpoint 1 think there would be some advantages in the proposaI for Canada. The park would be, 1 believe, the only one in the world recognized as being international and 1 think this fact would help to increase the tourist business to the Waterton end of the Park, both from the United States and from foreign countries as well 7. Cette initiative a le mérite de naître dans une période où les Etats-Unis sont fortement marqués par une politique protectionniste et les effets de la crise de 1929. Figure 3 -Effets de la création du Parc International de la Paix sur la fréquentation touristique En confrontant ces propos avec les chiffres de fréquentation connus (figure 3), on observe que le nombre de visiteurs américains demeure modeste jusqu'en 1929. Les effets de la crise marquent un coup d'arrêt dans la fréquentation qui redémarre après 1933. A partir de 1937 (l'information en 1936 étant défaillante) la part des visiteurs américains devient véritablement significative - selon les prévisions de Harkin - pour atteindre près de 49 % du total en 1938. Au total, les parcs transfrontaliers et les
parcs internationaux actuels sont les héritiers du premier
d'entre tous, le Parc International de la Paix WatertonGlacier.
L'action du Rotary a ainsi contribué à inventer et
matérialiser la possibilité, pour les peuples et les
Etats, de vivre en bonne intelligence. LA CONSTRUCTION D'UN « SYMBOLE DE PAIX ET D'AMITIE PERMANENTE8»
Dans le contexte culturel nord-américain, la wilderness revêt une importance toute particulière. Espace forestier vierge (ou prétendu tel), lieu des bêtes sauvages, de la flore et des paysages qui ne portent pas l'empreinte visible de l'homme, la wilderness constitue un référent culturel majeur. Nourrie par le courant philosophique du transcendantalisme, elle va devenir un espace sacralisé (Graber, 1976) dont la valeur intrinsèque s'incarne en partie dans les parcs nationaux. A travers les idées de protection de la nature, les parcs nationaux prennent une valeur particulière: Eden retrouvé, il constituent le lieu par excellence de la transcendance. Depuis 1932, les symboles territoriaux ont été multipliés afin de sceller l'amitié américano-canadienne. Au-delà, la fin du XXe siècle offre au Parc International de la Paix sa consécration internationale. Sceller l'amitié américano-canadienne Les populations autochtones (Blackfeet) situées à l'extrême Ouest des Prairies considéraient cette partie des Rocheuses comme la colonne vertébrale du Monde. L'importance de ces massifs, dont la ligne de crête fait office de ligne de partage des eaux, est également reconnue par la terminologie occidentale qui la désigne comme la « couronne du continent}) (Crown of the Continent). Cet espace de montagnes, majestueux par ses dimensions, la fraîcheur de ses formes glaciaires, rehaussé par la présence de lacs et de glaciers a été choisi comme un haut lieu propice à la matérialisation de l'entente entre les Etats-Unis et le Canada. Une année de tractations et de débats
entre le Canada et les Etats-Ùnis suffisent pour faire aboutir
la requête soutenue par les membres du Rotary. Les textes
officiels, réunis dans la figure 4, formalisent les démarches
entre le Congrès des Etats-Unis et la Chambre des Communes
du Canada.
Figure 4_ Textes officiels de création du premier Parc International de la Paix Les textes révèlent la coordination de la déclaration d'intention par une volonté commune clairement affichée dans les deux textes (paragraphes en caractère gras). Les arguments avancés lors des débats au Congrès mettent tous en évidence le fait que la faune, la flore, les paysages constituent un ensemble homogène de part et d'autre de la frontière: Glacier
National Park in Montana and Waterton Lakes National Park (...)
in Canada, are in reality a single great scenic area of unsurpassed
Glory. (H') There is no area in America more replete with beauty
of the highest order than that comprised within
these two national parks. (...) Perhaps
the imminent presence which broods over it and which is universally
felt may be
described as peace9." Toutefois, ce Parc de la Paix ne suppose pas la création d'une autorité supérieure susceptible de prendre des décisions communes. Les textes de lois rappellent (paragraphes en italique) que chaque parc demeurera sous l'autorité du service des parcs auquel il est rattaché: aucun Etat ne se départit de la moindre parcelle de compétence sur le parc relevant de son autorité. Il est par ailleurs intéressant d'observer que les textes ne proposent pas autre chose que la création de cadres communs. Les textes officiels fournissent ainsi un cadre général dans lequel il sera possible de réaliser un certain nombre d'actions, mais aucune orientation n'est proposée. Il est même envisagé comme un point final une construction qui fera date, comme un « monument à l'idée de la paix internationale et de la bonne volonté 10 [des nations] ». Ainsi, l'idée d'un Parc de la Paix, qui avait été entérinée par une réunion des Rotariens d'Alberta et du Montana le 4 juillet 1931 à l'hôtel Prince of Wales, fut officiellement inauguré le 18 juin 1932, cérémonie au cours de la quelle le Président des Etats-Unis (Hoover) adressa le message suivant: La consécration du Waterton Glacier International Peace Park est une nouvelle manifestation de cette bonne volonté qui a si longtemps présidé à nos relations avec nos voisins canadiens et je me sens fortifié par l'espoir et la certitude qu'elle restera à jamais un véritable symbole de paix et d'amitié permanente (cité in Adam, non daté). Créer des lieux de commémoration A l'origine, la création du Parc de la Paix prend la forme d'une déclaration d'intention soutenue et entretenue par les membres du Rotary et les gouvernements qui entament la construction de la route (1936 - Chief Mountain Parkway) permettant la jonction entre les deux parcs. Grâce à celle-ci, la fréquentation américaine s'accroît fortement (figure 3), mais encore faut-il indiquer clairement aux visiteurs la coopération qui s'est développée dans le parc. Ainsi, le Rotary finança la majeure partie de l'édification de deux « cairns» - un de chaque côté de la frontière - destiné à concrétiser le dispositif signalétique. La photo 3 montre celui qui est visible en 2002 par les visiteurs arrivant des Etats-Unis: à l'exception des deux mâts porte-drapeaux, il est représenté sous sa forme initiale. A l'occasion de la cérémonie d'inauguration (2 août 1947), il fut rappelé que the erection ofthese cairns is a further step in commemorating the understanding and goodwill which have so lonîprevailed between the people and the government of the two great democracies 11 Quelques
années plus tard, le 20è anniversaire de la création du Parc
de la Paix est l'occasion d'une grande cérémonie au
cours de laquelle les représentants du Rotary et des officiels
canadiens et américains inaugurent une plaque commémorative
en bronze, scellée sur un rocher, fixée devant l'hôtel
Prince of Wales à Waterton (il en avait été
de même l'année précédente pour le Glacier Park Hotel au Montana). À l'occasion de la cérémonie,
la plaque fut dédiée to the glory ofGod and the service of aU Mankind12... Photo. 3 - Monument commémoratif à la frontière Etats-Unis / Canada, érigé à l'aide des fonds recueillis par le Rotary, Parc International de la Paix Waterton-G/acier (Cliché:Stéphane Héritier, 2002)
Renforcer les caractéristiques universelles Le « label» Parc de la Paix a également contribué à accélérer l'intégration des deux parcs dans des programmes internationaux de protection de l'environnement. En 1976, le Glacier National Park est l'objet d'une distinction dans le cadre du programme Man and Biosphere (MAB) et le parc des Lacs Waterton y est inscrit à son tour en 1979. Ce programme créé par l'UNESCO au début des années 1970 a pour objectif d'étudier des aires protégées où l'usage. des paysages naturels et anthropiques semble en harmonie avec la nature, afm de disposer de données permettant d'appréhender plus efficacement la gestion des aires protégées dans l'avenir (Nelson, "Beyond Parles & Protected Areas", in Dearden & Rollins, 1993). . Dans le
cadre de ce programme par exemple, « De concert avec les propriétaires
fonciers privés de la réserve de la biosphère
Waterton, les biologistes et le personnel d'application de la loi
du ministère de l'Environnement de l'Alberta ainsi que
d'autres intervenants, Parcs Canada travaille à prévenir
les conflits entre grizzlis et bétail qui pourraient entraîner
la mortalité de certains ours. Depuis plusieurs années,
le personnel du parc national des Lacs-Waterton du Canada travaille
conjointement avec la tribu des Blood, l'Alberta Conservation Association
(Association de la conservation de l'Alberta), le parc
national Glacier et le U.S. Fish and Wildlife Service (Service
de gestion du poisson et de la faune des États-Unis) à
étudier et à conserver une population internationale
d'omble à tête plate dans le réseau de la rivière
Belly » (parcs Canada, 2000, p. 48). Le programme MAB permet
ainsi des études coordonnées en vue d'une meilleure
gestion de l'espace-parc et d'une gestion plus efficace des espaces
périphériques qui peuvent parfois être à
l'orig~e de perturbations dont les répercussions sont significatives
à l'intérieur des parcs: l'extension du réseau
routier à l'extérieur des parcs, l'ouverture de sites
miniers, l'extension des sites d'extraction du pétrole et
de gaz naturel, le développement du bâti résidentiel
et le droit de chasse au sujet d'espèces protégées
ou menacées (loups gris, ours). Enfin en 1995, le Parc International de la Paix Waterton-Glacier (et non plus chaque parc successivement) était inscrit sur la liste du Patrimoine Mondial de l'UNESCO (06/12/1995) pour trois raisons principales: il est « un exemple remarquable d'importants processus écologiques et biologiques continus », une région d'une beauté naturelle exceptionnelle aux multiples attraits panoramiques et sa désignation comme Parc International de la Paix est d'une grande importance culturelle (patrimoine Canadien, 1997). Cette dernière étape est particulièrement
intéressante car elle constitue une véritable reconnaissance
internationale de l'originalité du Parc de la Paix. Elle
montre que, au-delà des initiatives associatives visant à
sceller l'amitié entre les Etats-Unis et le Canada, les fonctions
de ce parc transfrontalier se construisent progressivement et qu'elles
vont contribuer à stimuler les initiatives combinées
de gestion de l'espace. ACTIONS COMMUNES ET GESTION DU PARC INTERNATIONAL DE LA PAIX Les actions de gestion et de gérance (stewardship) environnementales sont devenues une nécessité à l'échelle de chaque parc mais aussi à l'échelle supranationale. Cette situation est liée à l'évolution des modalités de l'usage des parcs nationaux, où l'augmentation de la fréquentation touristique depuis les années 1960 sollicite la mise en place d'opérations communes. En dépit de ces évolutions toutefois, la coopération américano-canadienne reste mesurée. Un espace protégé attractif La fréquentation du Parc International de la Paix place ce dernier panni les aires protégées les plus fréquentés en Amérique du Nord. La figure 5 montre que ce parc international compte panni les principales destinations touristiques de l'Ouest nord-américain avec plus de 2 millions de visiteurs (2,2 millions en 2000). Les modalités de fréquentation sont diverses. Une enquête réalisée par le Service Canadien des Parcs relevait qu'un peu plus du tiers (36 %) des voyageurs avaient déjà visité le Glacier National Park pendant leur voyage. Parmi le groupe des visiteurs n'ayant pas encore visité le parc, 30 % déclaraient projeter de se rendre dans le parc américain pendant leur séjour. .Par ailleurs, le potentiel de visiteurs
du Parc National des Lacs Waterton susceptibles de parcourir la
partie américaine du Parc International est évalué
à 55 %. Toutefois, ce chiffre doit être pondéré
dans la mesure où 38 % des personnes interrogées étaient
américains (parks Canada, 1996-b). Comme dans les autres
parcs des montagnes aux Etats-Unis et au Canada, près de
97 % de la fréquentation est estivale (période fondamentale
pour la faune et la flore), ce qui concentre les perturbations de
toutes natures: forte présence de véhicules, occupation
dense de certains sentiers (et leurs conséquences sur les
déplacements de la faune ou l'érosion des sols), nombreux
survols en hélicoptère (en théorie réglementés)
des massifs par les opérateurs touristiques... constituent
autant de perturbations de l'environnement qui témoignent
de l'absolue nécessité de penser une gestion commune
de l'espace protégé. Des actions communes Jusqu'au début des années 1970, les deux parcs n'avaient pas vraiment développé d'actions spécifiques en faveur de la promotion du Parc International de la Paix. Depuis cette période, de réels efforts ont été entrepris pour renforcer les relations entre les deux parcs dans le cadre d'actions menées en partie par les associations indépendantes telles que la Glacier Natural History Association et la Waterton Natural History Association. Depuis 1982, elles coordonnent leurs travaux et éditent un journal d'information distribué gratuitement~aux visiteurs - le Waterton-Glacier Times - regroupant des articles de naturalistes, de biologistes et d'historiens sur les enjeux liés à la protection de la nature dans le Parc International de la Paix. Parmi les actions communes engagées dans un cadre institutionnel ou associatif, on peut noter les mesures suivantes: échange de personnel d'interprétation entre les deux parcs, travaux coordonnés pour certains événements, partage des compétences en termes de recherche scientifique et d'interprétation, mise en place de réglementations identiques en matière de pêche sur le lac Waterton supérieur, port d'un insigne identique rappelant l'appartenance au Parc International (Lieff & Lusk, 1990). Enfin, l'Association du Parc International de la Paix (financée par les clubs Rotary d' Alberta et du Montana) poursuit les actions engagées en 1932. Les initiatives communes les plus récentes sont intégrées dans des actions de concertation régionale (parcs, organismes forestiers, nation Blood, etc.) qui s'appliquent à des aspects de gestion intéressant les deux parcs nationaux mais aussi leurs espaces périphériques. Ces actions concernent la gestion des incendies de forêts, la lutte contre les plantes non indigènes, l'écotourisme et la gestion des loisirs dans l'arrière-pays des parcs (Parcs Canada, 2000). Le statut particulier du Parc international favorise les rapprochements entre les institutionnels canadiens et américains et la coopération existe également dans les domaines tels que les opérations de recherche et de secours en montagne, d'informations sur la sécurité dans l'avant et l'arrière pays, les conditions météorologiques ou la fermeture des sentiers (Lieff & Lusk, 1990; Timothy in Butler & Boyd, 2002). Les limites de la coopération En dépit de sa désignation officielle, l'existence du Parc international de la Paix et le renforcement de la coopération n'abolissent pas la frontière. Force est de constater que chaque parc maintient son individualité: il s'agit de deux espaces protégés contigus. Chacun possède sa propre administration et comme le rappellent les textes officiels des gouvernements canadien et américain - chaque pays conserve la souveraineté pleine et entière sur sa partie du parc international: le parc national des Lacs Waterton demeure sous l'autorité de l'agence de Parks Canada tandis que Glacier National Park dépend du National Park Service américain.
Cet exemple, comme l'organisation des modes de coopération, montre clairement que l'existence du Parc de la Paix n'entraîne pas une abolition de la frontière, loin de là. Il n'existe en effet aucun organe commun et permanent de décision et de gestion pour le Parc International de la Paix. Au milieu tdes années 1980, on eut même le projet de créer le Rocky Mountain International Biosphere Reserve, réunissant les deux parcs et la Coram Experimental Forest dans le Montana (Lieff, 1985-a et 1985-b). Toutefois, le problème demeure entier car la reconnaissance de l'existence d'un écosystème homogène ne se traduit pas encore par une gestion unique de l'espace montagnard et de ses marges. CONCLUSION - Des résultats mesurés pour une initiative originale L'examen des modalités de création et de mise en place du premier Parc International de la Paix réunissant les parcs Waterton et Glacier, à l'initiative du Rotary, révèle une démarche originale: tenter de dépasser les limites qui séparent les Etats afin de renforcer les relations d'amitié et de paix entre deux nations. Jusque dans les années 1970, le 'label' parc international eut peu d'incidence sur la gestion de l'espace à l'exception des possibilités de visiter deux parcs voisins. Depuis lors, cette initiative a permis de favoriser la coopération entre les deux parcs tout en créant les conditions d'une gestion régionale de l'espace. Nous avons observé en revanche que les initiatives conjointes demeuraient restreintes à certaines actions. Nul doute que la création d'une aire protégée cogérée dont la frontière aurait été abolie aurait constitué une manifestation de paix et d'ouverture unique dans le monde. Toutefois, chaque Etat conserve jalousement sont autorité sur son propre parc national. La mémoire des périodes troublées dans les relations américano-canadiennes n'est sans doute pas pour rien dans ce qu'il convient de qualifier de timidité dans les actions actuelles. A ces éléments, ajoutons le poids d'une histoire politique qui amène les deux Etats à conserver jalousement chaque parcelle de son territoire: pour le Canada, la présence du puissant ami voisin, à la fois partenaire et concurrent, continue d'inspirer une certaine méfiance en raison de la convoitise qu'il exprime sur ses ressources naturelles (bois, eau, hydrocarbures, etc.) et en raison du rôle déterminant qu'il occupe dans sa vitalité économique; les EtatsUnis, quant à eux, dont l'histoire oscille entre protectionnisme et interventionnisme sur le continent américain, le territoire national constitue une part insécable et incessible, fut-ce à un allié et ami comme le Canada. Cette initiative est toutefois - et surtout pourrait-on dire - encourageante car elle révèle la capacité des Etats à s'engager dans une approche de protection des écosystèmes au-delà des limites des Etats, s'appuyant sur la coordination d'acteurs variés, indispensable à la gestion efficace des aires protégées. et de leurs espaces périphériques. Le développement des parcs transfrontaliers~ dans le monde (Amérique Latine, Afrique, Europe, etc.) montre que cette expérience a permis de promouvoir d'autres expériences de collaborations permettant de jeter les bases de relations pacifiée entre les Nations. BIBLIOGRAPHIE (non reproduite)
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